Notes d’enseignement pour le dimanche 10 février 2013 par Jean Maurais.
Nous oublions parfois que les différents livres bibliques sont justement des livres. Quand quelqu’un écrit un livre, de manière générale, il ne le fait pas pour rassembler plusieurs choses qui n’ont pas de lien. Habituellement, un auteur a un but, un message principal qu’il tente de communiquer et les différentes parties du livre soutiennent ce message. Dans le cas de la Genèse, quelqu’un a rassemblé des sources, et entrepris d’écrire ce livre dans un but précis. Dieu a providentiellement dirigé cette personne pour nous transmettre un message. Et ce message, nous devons nous appliquer à l’étudier, puisqu’il vient de Dieu. Il est donc important d’aborder la Genèse comme un livre et donc de s’attarder au message du livre dans son ensemble.
Structure du livre
Quand on regarde le livre de la Genèse dans son ensemble, et particulièrement le déroulement de son récit, on s’aperçoit que le livre se divise assez facilement en 2 parties : De Adam à Abraham, et d’Abraham à Jacob.
À première vue, il semble que la manière la plus naturelle d’établir la structure du livre se soit reliée aux à l’utilisation du terme « toledot » (« les générations » ou « l’histoire de »). Ces introductions témoignent de sources, ou en tout cas de transitions évidentes dans le récit puisqu’on les retrouve en 2.4, 5.1, 6.9, 10.1, 11.10, 27, 25.12, 19, 36.1 et 37.2. Certains toledots introduisent un récit, tandis que d’autres introduisent simplement une ou plusieurs généalogies :
Temps narratif
Cette division de Genèse en deux parties est aussi confirmée par le déroulement du récit. Dans les 11 premiers chapitres, on peut calculer un temps écoulé de plus de 2000 ans. En contraste, les 39 chapitres qui suivent se déroulent sur 300 ans (4 générations). Il devient apparent que les 11 premiers chapitres sont comme un prologue au récit d’Abraham et sa famille. Ce prologue sert à situer l’appel d’Abraham et sa descendance dans le contexte de la création, la chute, le déluge, puis la situation géographique, culturelle et spirituelle des nations. Dans ces 11 premiers chapitres, nous touvons en fait 3 courts épisodes entre lesquels s’opèrent des sauts (fast-forward) importants : 1) La création, la chute et ses effets, 2) le déluge, puis 3) Babel et la dispersion des peuples.
Dans la seconde partie du livre, les généalogies ne servent plus à faire avancer le récit, mais plutôt à expliquer le sort (ou peut-être l’origine) des diverses branches de la famille élue qui ne font pas partie de la lignée de la promesse. C’est le cas pour les généalogies d’Ismaël et celle d’Ésaü. Il est intéressant de noter qu’il y a 5 toledots avant le récit d’Abraham et 5 toledots à partir d’Abraham.
Thèmes
Si nous prenons pour acquis le fait que les 11 premiers chapitres servent d’introduction, le thème principal se trouve énoncé en 12.1-3 : Il s’agit de la promesse. C’est l’importance de la promesse d’une postérité (puis d’un pays) qui explique l’inclusion d’éléments étranges dans le récit, tel la stérilité des épouses, les mensonges des patriarches au sujet de leur épouse, et le fait que l’enfant de la promesse n’est jamais celui à qui revient le droit d’aînesse. Bref, la réalisation de la promesse est souvent menacée et finit par s’accomplir (partiellement du moins) de manière étrange et inattendue. Cela constitue l’intrigue principale du livre.
Nous voyons aussi la présence des thèmes création-jugement-recréation. Alors que la création initiale est corrompue par l’homme et presque entièrement détruite, Noé est présenté comme un nouvel Adam (il a curieusement 3 fils lui aussi). Mais à peine sortie de l’arche, l’humanité se corrompt à nouveau. La réponse de Dieu s’opère de deux manières : Premièrement, les humains sont dispersés pour éviter une trop forte « concentration » de rébellion. Mais surtout, Dieu appelle une famille hors de ces nations qui lui sera attachée et qui servira à bénir tous les peuples. Cette bénédiction est initialement très limitée puisque cette famille lutte pour sa survie, mais nous voyons déjà lors du séjour de Joseph en Égypte comment il fut lui-même source de salut pour un pays et une région toute entière.
Promesse…et réalisation
Genèse 12.1-3 décrit la promesse faite à Abraham :
- Je ferai de toi une grande nation
- Je te bénirai…
- Je rendrai ton nom grand
- Deviens donc (une source) de bénédiction.
- Je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai celui qui te maudira.
- Toutes les familles de la terre seront bénies en toi.
C’est le programme du Pentateuque entier (les 5 premiers livres de la Bible) qui se trouve explicitement annoncé ici dans ces trois versets. Le pays, qui sera plus clairement promis à la descendance d’Abraham au v. 7 et aux chapitres 15 et 17, est le premier élément. Le deuxième est la promesse d’une postérité nombreuse, formant une nation. Le troisième élément explique la relation que Dieu entretiendra avec Abraham et sa postérité. Il s’agit d’une relation de bénédiction, et cette bénédiction n’est pas confinée à la famille d’Abraham mais aura des conséquences importantes sur toutes les nations. Il s’agit d’une bénédiction telle que le nom d’Abraham sera reconnu parmi les nations, qu’il sera une source de bénédictions pour toutes les familles de la terre, et que celles-ci seront bénies ou maudites en lien avec leur disposition vis-à-vis d’Abraham et sa descendance. Nous sommes donc en présence d’une promesse à trois composantes :
– Un pays
– Une postérité nombreuse
– La bénédiction (et protection) divine.
Ce dernier élément, la bénédiction divine, établit un lien avec le récit qui a précédé (Gn 1-11) et un contraste saisissant avec l’humanité qui est sous la malédiction. Il s’agit donc de la réponse de Dieu aux évènements qui ont précédé, la nouvelle bénédiction qui va renverser la malédiction. Dès le début de la Genèse, nous voyons une démarcation claire entre la postérité de la promesse (en rouge) et celle du serpent (celle dont les gens sont en opposition à Dieu) :
Plusieurs pistes sont ouvertes dans ces 3 versets vers le Nouveau Testament. En voici quelques unes :
1) La promesse occupe une place centrale dans l’enseignement de l’apôtre Paul, qui insistera à plus d’une occasion sur sa place dans l’histoire du salut (Rm 4.9-12). Comme Abraham est devenu juste aux yeux de Dieu par la foi et que ceci est arrivé avant que Dieu ne donne la circoncision, nous pouvons déduire que c’est la foi qui est primordiale dès le début dans le plan de salut de Dieu. Comme la promesse est venue avant la loi, il est donc évident qu’il s’agit là du moyen de justification voulu par Dieu, en opposition aux œuvres de la loi (Ga 3).
2) La centralité de la foi. La foi d’Abraham n’est pas mentionnée dans ces 3 versets, mais sa réponse est sans équivoque : il obéit à Dieu et quitte son pays. En cela, il est le père des croyants, qui croient sans avoir vu (He 11.8-9).
3) L’identité du peuple de la promesse : qui sont les descendants d’Abraham? En Galates 3 (et aussi Rm 4), Paul nous indique que tous ceux qui ont la foi sont fils d’Abraham et reçoivent la bénédiction d’Abraham. La bénédiction promise par Dieu à toutes les nations trouve son accomplissement dans le salut accompli par Jésus, lui-même postérité d’Abraham et qui rend ce salut disponible à tous ceux qui croient, peu importe leur origine ethnique :
« Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous – car il est écrit: Maudit est quiconque est pendu au bois – afin que la bénédiction d’Abraham ait pour les païens son accomplissement en Jésus-Christ, et que nous recevions par la foi l’Esprit qui avait été promis. » (Galates 3.13-14)
« Comme Abraham crut à Dieu, et que cela lui fut imputé à justice, reconnaissez donc que ce sont ceux qui ont la foi qui sont fils d’Abraham. Aussi l’Ecriture, prévoyant que Dieu justifierait les païens par la foi, a d’avance annoncé cette bonne nouvelle à Abraham: Toutes les nations seront bénies en toi! Ainsi, ceux qui croient sont bénis avec Abraham le croyant. » (Galates 3.6-9)
« Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité d’Abraham, héritiers selon la promesse. » (Galates 3.29)
Et maintenant?
La promesse annoncée par Dieu à Abraham à ce moment charnière dans le livre de la Genèse est encore d’actualité aujourd’hui. Dieu est à l’œuvre dans ce monde pour renverser la malédiction du péché, au moyen de la victoire de Jésus à la croix, et l’application de son pardon à tous ceux qui croient. La malédiction sera finalement et totalement bannie alors que la mort sera engloutie lors de la résurrection au retour du Seigneur. En attendant, nous sommes appelés à être des agents de réconciliation – à s’insérer dans le projet de Dieu – pour apporter la bénédiction de Jésus à l’humanité par notre message d’espoir, par nos ministères de compassion et de justice, par le modèle de nos vies en tant que famille rachetées et bénie par lui
Application 1 : Dieu est patient
La Genèse nous enseigne au sujet de la bonté et de la patience de Dieu, qui reporte son jugement (mérité) pour instaurer un moyen de salut, de bénédiction pour l’humanité! À n’importe quel point, Dieu aurait pu appuyer sur « Delete », mais il veut persévérer avec nous…quelle immense patience…quelle immense grâce!
- N’êtes-vous pas étonnés de la patience de Dieu pour vous? Que malgré nos péchés répétés, il continue à faire grâce? Que malgré le fait que l’humanité commette des atrocités incroyables, que l’homme se moque de Dieu, celui-ci étend toujours sa patience?
- Et même pour nous qui sommes dans sa famille, qu’avons-nous à dire de mieux? Est-ce que le fait que nous appartenons à la famille de Dieu et que nous connaissons sa volonté ne rend pas plus grave nos offenses contre lui? En tant qu’enfants de Dieu, nous prenons souvent son pardon pour acquis et cela ne fait que rendre nos offenses encore plus odieuses.
- Remercions Dieu aujourd’hui pour sa patience envers nous et laissons-nous entraîner par celle-ci à des œuvres digne de repentance. Soyons patients les uns avec les autres…quand d’autres nous irritent, rappelons-nous que nous attristons Dieu nous aussi tout autant. Quand nous sommes tentés de nous penser meilleurs que d’autres, pensons au fait que nous méritons autant le jugement de Dieu que n’importe qui.
Application 2 : Les voies de Dieu nous dépassent.
- Un autre élément que nous enseigne la Genèse est que Dieu mène à bien ses promesses, mais souvent de manière inattendue et en dépit de circonstances impossibles.
- Dieu se plait à faire les choses autrement pour qu’on ne s’appuie pas trop sur notre sagesse mais que nous apprenions à dépendre de lui.
- Dieu se plait à faire les choses autrement parce qu’il veut que ce soit évident qu’il est aux commandes.
- Dieu se plait à faire les choses autrement pour que nous reconnaissions qu’il est un Dieu fidèle, digne de confiance.
- Dieu n’agit pas toujours selon nos attentes, selon ce qui nous semble logique, mais tout est parfait dans son plan et en son temps. Nous ne savons pas quelles épreuves il enverra sur notre route, mais nous pouvons avoir confiance qu’en fin de compte, ce sera pour sa gloire et notre plus grand bien.
- Dieu se plait à faire des choses impossibles pour que nous réalisions ce que nous oublions trop souvent : Qu’il est en contrôle de toutes choses et que rien ne se passe sans qu’il l’ait ordonné.
- Dieu se plait à faire des choses impossibles pour nous montrer notre impuissance et notre faiblesse.
- Dieu se plait à faire des choses impossibles pour démontrer que lui seul peut accomplir sa promesse, son plan pour nous.
- Dieu se plait à faire des choses impossibles parce qu’il veut s’assurer que lui seul ait la gloire.
Certainement, ces « héros » de la foi ont douté, trébuché et démontré qu’ils ne sont pas très différents de nous. Nous ne sommes que des gens ordinaires et imparfaits, mais Dieu veut nous employer dans son plan (comme nos « parents » : Abraham, Isaac et Jacob), un plan qui est bien plus grand que nous-mêmes et qui vise toute l’humanité.