Puisque nous avons manqué de temps pour parler à la fois de Smyrne et de Philadelphie, voici un résumé des notes d’enseignement pour l’Église de Philadelphie.
L’Église de Philadelphie (Gr. Phileo = amour + delphos = frère) peut être décrite comme étant l’Église triomphante. L’église a d’ailleurs eu la réputation historiquement d’être une ville qui reflétait l’amour de Dieu de telle façon que sa réputation dure même aujourd’hui au travers de son nom turc Allah Shehr qui veut dire Cité de Dieu.
L’Esprit de Dieu n’a que de bonnes affirmations à faire au sujet de cette église. Contrairement à Éphèse et à Laodicée qui n’avait plus un amour palpable pour Dieu dans leur témoignage, les églises de Smyrne et de Philadelphie présentent un contraste rafraichissant. La lettre à l’église de Philadelphie semble développer plus profondément les sujets introduits dans l’église de Smyrne. Il est question par exemple des persécutions de l’empire, mais aussi de la persécution venant des juifs de la région. L’ironie est que ceux avec qui les Chrétiens devaient avoir le plus d’affinités, les Juifs, (surtout en comparaison avec les païens) étaient devenus leur plus grande opposition dans la ville.
Le Seigneur Jésus-Christ se présente en faisant référence à celui qui est saint, le véritable, des termes réservés pour décrire l’Éternel. La raison pour cette description devient plus claire lorsqu’on la juxtapose sur le contexte de l’église de Philadelphie au sein des Juifs qui la persécutait. Le rejet des membres de la synagogue a dû ébranler la foi des Chrétiens. Qui voudrait être rejeté par le peuple de Dieu? Imaginez la crise d’identité dans l’église de Philadelphie? Qui sommes-nous alors? De quelle famille spirituelle faisons-nous partie? C’est dans cette perspective que je vous invite à lire les versets suivants.
7Écris à l’ange de l’Église de Philadelphie: Voici ce que dit le Saint, le Véritable, celui qui a la clef de David, celui qui ouvre, et personne ne fermera, celui qui ferme, et personne n’ouvrira: 8Je connais tes oeuvres. Voici, parce que tu as peu de puissance, et que tu as gardé ma parole, et que tu n’as pas renié mon nom, j’ai mis devant toi une porte ouverte, que personne ne peut fermer. 9Voici, je te donne de ceux de la synagogue de Satan, qui se disent Juifs et ne le sont pas, mais qui mentent; voici, je les ferai venir, se prosterner à tes pieds, et connaître que je t’ai aimé. 10Parce que tu as gardé la parole de la persévérance en moi, je te garderai aussi à l’heure de la tentation qui va venir sur le monde entier, pour éprouver les habitants de la terre. 11Je viens bientôt. Retiens ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne. 12Celui qui vaincra, je ferai de lui une colonne dans le temple de mon Dieu, et il n’en sortira plus; j’écrirai sur lui le nom de mon Dieu, et le nom de la ville de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel d’auprès de mon Dieu, et mon nom nouveau. 13Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Églises! (Apoc 3.7-13)
Quelques notes explicatives
Le verset 7 faisant référence à celui qui a les clés de David, qui « ouvre, et personne ne fermera, celui qui ferme, et personne n’ouvrira… » vient décrire la divinité et l’oeuvre de Jésus-Christ. La citation est tiré d’Ésaïe 22.22 où nous pouvons lire,
22Je mettrai sur son épaule la clé de la maison de David: Quand il ouvrira, nul ne fermera; Quand il fermera, nul n’ouvrira. 23Je l’enfoncerai comme un clou dans un lieu sûr, Et il sera un siège de gloire pour la maison de son père. 24Il sera le soutien de toute la gloire de la maison de son père, Des rejetons nobles et ignobles, De tous les petits ustensiles, Des bassins comme des vases. 25En ce jour, dit l’Éternel des armées, Le clou enfoncé dans un lieu sûr sera enlevé, Il sera abattu et tombera, Et le fardeau qui était sur lui sera détruit, Car l’Éternel a parlé.
La clé de David et la synagogue de Satan
La clé de la maison de David fait référence à la promesse que l’héritage éternel de Dieu viendrait du trône de David. Jésus venait justement de la maison de David. L’image des clés est en rapport avec l’autorité qui est accordée à celui à qui elles sont confiées. Jésus a le pouvoir de décision sur la vie et sur la mort. Mais dans le contexte de l’église de Philadelphie, Jésus a aussi le pouvoir décisionnel sur les opportunités qui sont accordées à l’église. En d’autres mots, même si l’église est faible dans ses moyens, c’est Jésus qui fait la différence. C’est lui qui, par exemple, peut changer le coeur des juifs qui persécutent l’église. Et l’histoire nous témoigne qu’un bon nombre d’entre eux, pas tous, ont reconnu en Jésus-Christ, leur Messie.
Cet aspect est de toute importance parce que l’on peut discerner dans la présentation de Jésus à l’église de Philadelphie un encouragement d’aimer ceux qui les persécutent tout en espérant que Dieu donne une occasion favorable pour partager la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu. (v.8-9) Chose aussi importante : nous ne décelons pas une exhortation de placarder les juifs, mais plutôt le contraire. On peut presque entendre les paroles de Jésus, « aimez vos ennemis, faites leur du bien à cause de moi. » (voir Matt 5.43-48 et Luc 6.27-36) Il ne faut donc surtout pas voir dans ce texte une incitation à exiger que les juifs se soumettent. Bien au contraire, l’invitation est lancée de donner sa vie pour l’autre en reconnaissant que c’est Jésus lui-même qui est maître des circonstances dans lesquels je me trouve. Le Seigneur amènera à la repentance ceux qu’il appelle à faire partie de son royaume, de sa famille.
Ceci n’empêche pas pourtant la description de la synagogue de ceux qui se disent faire partie du peuple de Dieu comme étant en réalité ceux qui font partie de la synagogue de Satan. Car, tous ceux qui livrent bataille contre la famille de Dieu font partie de la famille de son adversaire, à savoir, le Diable. Il y a donc un jeu de mots assez important et plein de signification ici.
Les Chrétiens étaient accusés de ne pas faire partie de la famille de Dieu par alliance selon la loi. L’ironie dans tout cela est le fait que le but de la loi de Dieu était de nous conduire à Christ et que ceux qui se rendaient acceptables devant le faisaient entièrement par la foi en réponse à l’oeuvre de Dieu en Jésus-Christ. (l’apôtre Paul dans Rom 10.4; Gal 2.16; Gal 3.24; Gal 5.4; Phil 3.9)
L’Heure de la tentation
Au verset 10, il est question de persécutions et d’épreuves plus intenses à venir. On peut se demander de quel temps il s’agit puisqu’il est mention de « tous les habitants de la terre. » Nous pouvons au moins noter deux évènements historiques qui firent partie de l’expérience des Chrétiens de Philadelphie.
En premier lieu, les persécutions religieuses prirent beaucoup d’envergure et augmentèrent en intensité relativement peu de temps après que la lettre de Jean fut écrite (voir 95 apr. J.-C.). Vous pouvez trouver plusieurs articles sur la persécution des Chrétiens sur le web. En résumé, les persécutions commencèrent dans les années 60 apr. J.-C. ce qui correspond à la plupart des écrits du NT pour encourager les Chrétiens à persévérer dans la foi. L’empereur Néron avait un problème avec les Chrétiens. D’ailleurs, quelques historiens nous racontent (Tacites dans ses Anales XV par exemple) que l’empereur blâma les Chrétiens pour avoir mis le feu à Rome. Certains historiens, même du temps de Néron, croient que le feu aurait été commencé par Néron dans un moment de folie pour se divertir.
Nous avons d’autres évidences de persécutions dans les écrits d’Eusèbes, un des pères de l’église au 2e siècle apr. J.-C. Les persécutions arrivent à leur apogée au 3e et au 4e siècle par les empereurs Dioclétien et Galère entre autres. La lettre de Jean est un avertissement aux églises de tenir ferme car les persécutions vont augmenter en intensité, mais elles seront limitées (façon de parler lorsqu’on considère leur durée sur prêt de 250 ans). La lettre a donc une vue d’ensemble des choses qui s’adresse pas juste aux premiers Chrétiens qui reçurent la lettre, mais à plusieurs générations de Chrétiens qui en plein milieu des persécutions recevrait courage en écoutant de nouveau la lettre de Jean aux sept églises.
Le deuxième élément historique à prendre en compte est le fait que la région de Philadelphie fut secouée par quelques grands tremblements de terre. Le résultat fut une dévastation importante de toute la région. D’ailleurs, les habitants durent changer leur mode de vie en conséquence. Aucun projet d’envergure importante ne pouvait être sérieusement envisagé à long terme. Mais reste-t-il que les structures qui résistèrent aux tremblements de terre obtinrent la réputation d’être solides, d’avoir pu résister à l’épreuve, solides. La référence à la colonne dans le temple de Dieu au verset 12 touche à ce concept. D’une perspective spirituelle et éternelle, l’église de Philadelphie était encouragée d’affermir sa profession de foi pour passer à travers l’épreuve. Seulement ceux qui étaient authentiques, qui avaient ancré leur foi dans la personne de Jésus survivraient aux épreuves. Et le résultat de passer par l’épreuve serait un affermissement de la foi.
Le temple de Dieu
Temple, royauté, couronne, porter le nom de Dieu, la nouvelle Jérusalem sont tous des termes qui se réfèrent au nouvel ordre du « régime divin » si je peux me permettre le terme. Quand Jésus est mort à la croix, il a accompli ce qu’il avait inauguré au travers de ses enseignements. Dans Marc 1.15 par exemple, Jésus enseigne que le Royaume de Dieu est proche. Plus tard, on comprend que le royaume de Dieu fait référence au règne de Jésus lui-même. Ça parle donc de lui…chose que la plupart de Juifs et même les Témoins de Jéhovah n’ont toujours pas saisis, pour n’en nommer que quelques-uns.
La description faite par Jésus concernant le nom de son Dieu ne veut pas dire qu’il est une entité séparée de l’Éternel (Yahweh). Au contraire, ce qui est sous-entendu dans le contexte est l’identification de Jésus avec le Dieu de l’Ancien Testament qui n’est pas limité par le temps ou par un lieu géographique. Le contraste est évident au travers de l’emploi du terme nouvelle Jérusalem au verset 12. Nous ne parlons plus ici de Jérusalem la ville proprement dite, mais d’une autre Jérusalem, spirituelle et éternelle qui regroupe tout le peuple de Dieu qui confesse réellement son nom et qui suit ses commandements.
Donc, lorsque Jésus fait référence à son Dieu, c’est dans la perspective d’une identification dans l’éternité et non à titre de « possession ». C’est comme si Jésus disait, « ce nouveau royaume dont je vous parle est le royaume du Dieu d’éternité, le même qui se présente dans l’AT, le même Dieu dont je fais partie et avec qui je m’identifie. » (voir aussi Ésaïe 62.2 et Ésaïe 65.15)
Conclusion
Il y a certes d’autres détails que nous pourrions regarder ensemble et qui viendraient enrichir notre compréhension de la lettre écrite à l’église de Philadelphie. Nous n’avons pas mentionné par exemple, la signification plus profonde d’habiter dans le temple de Dieu, que ceux qui habitent se temple construit par Dieu ne peuvent pas perdre le nom qu’il leur a donné, et le rejet de la description du peuple de Dieu comme peuple visible pour favoriser la formation d’un peuple spirituel en commençant par Abraham, le père de ceux qui croient.
L’Église de Philadelphie vient affirmer l’identité du peuple de Dieu comme étant celle qui persévèrent dans la Parole de Dieu, qui persévèrent dans la foi, et qui cherchent à atteindre ceux qui sont appelés par l’Éternel à faire partie de son royaume. En d’autres mots, les persécutions et les circonstances défavorables ne furent pas un empêchement pour les premiers Chrétiens de témoigner de l’amour de leur Sauveur, mais une motivation grandissante basée sur la réalisation profonde de qui ils étaient en Christ.